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Expositions & Œuvres connexes
Magali Le Mens
2013

Timbre, espace, mouvement

Les œuvres de Marie Lepetit créent des espaces, lorsqu’elles se déploient monumentalement sur les murs, mais aussi par leur tendance géométrique combinée à l’agencement subtil des couleurs qui suggèrent une profondeur et amènent un mouvement. Tout comme ses œuvres murales, les toiles et les dessins présentent les lueurs stellaires de points disposés en constellations géométriques qui tendent à l’aléatoire. La parenté qu’on peut leur attribuer – sans presque y penser – avec le ciel étoilé, renforce l’impression qu’elles ouvrent un territoire, même dans le cas des peintures ou dessins de petit format. L’impossibilité de saisir à l’œil nu ou avec un puissant télescope la totalité des étoiles, l’idée de l’infini et l’écrasement sublime que l’on ressent devant cette multitude si lointaine, provoquent notre fascination pour la nuit constellée. Le regard n’a plus d’échelle comme devant l’immensément petit qu’il ne saisit que par images interposées. Les compositions plastiques réunies ici pourraient tout aussi bien se rapporter à l’espace du ciel, à la géographie de la terre ou aux trajectoires des particules les plus petites qui constituent la matière.

Jusqu’à présent, Marie Lepetit abordait le fond comme un écran, c’est à dire quelque chose qui sépare et qui protège. Qu’il soit mur, toile ou papier, il se voulait un support étanche et stable. Dans l’histoire des pratiques artistiques, papier et toile ont été déchirés, fendus, troués, grattés, brûlés, etc. selon différentes modalités. Marie Lepetit cherche, elle, à éprouver la porosité de ces différents supports allant ainsi de la solidité presque imperméable du mur à la transpiration de la toile.

Dans son exposition Les archipels en 2011, elle exposait déjà devant des fenêtres de grands pans de papiers dessinés autant que troués (Archipel 1). De fait, visuellement, le point a une grande proximité avec le trou. Il retient un temps le regard, car la percée offre un contraste similaire à l’épaisseur du point sur le papier. La lumière est ainsi directement invitée à participer au dessin, lui offrant une intensité nouvelle.

C’est un autre type de traversée de la matière qu’explore l’artiste lorsque l’encre ou le fusain pénètrent à travers les trous percés au préalable. Installée sur le sol de son atelier, Marie Lepetit dispose la matière-couleur (encre, fusain, acrylique) au dos de la surface finalement exposée qui se diffuse alors par capillarité tandis qu’un mouvement s’y imprime par frottement. Avec la toile (D’incidences en incidences), c’est par les minuscules trous résultant de l’entrecroisement des fils qui constituent le tissu, et par imprégnation de la fibre, que la peinture disposée à l’envers, traverse le support et se dessine en taches qui proposent alors de nouveaux espaces. Sur ces taches, qui s’apparentent à quelque chose d’organique, viennent s’assembler des points et des tracés géométriques qui composent comme une carte de la terre sillonnée par des circulations. La perméabilité de la toile ouvre de nouveaux territoires.

Combinant raison et intuition, le maniement de la porosité de la matière provoque un contact entre les taches et la structure géométrique, qui s’agencent alors ensemble avec la simple complexité des lois de la physique. Ces œuvres générées à l’endroit aussi bien qu’à l’envers naissent avec l’évidence des formes de la nature.